JEAN-BAPTISTE LAVOYE
1698-1785
Jean-Baptiste
Lavoye, fils de Jean de La Voye et de Barbe Lhomme, naît vers 1698,
probablement dans la seigneurie de Villieu (Tilly), où ses parents possédaient
une terre (qu'ils ont vendu en 1700), sinon au Cap-de-la-Madeleine, où Jean et
Barbe font baptiser leur fille en 1701. Trois filles le précèdent dans la
famille, une fille et un garçon le suivront.
La première mention que j'ai trouvé dans les archives concernant Jean-Baptiste
est l'acquisition d'une terre qu'il fait le 27 octobre 1715, chez le notaire
étienne Véron de Grandmesnil, à Trois-Rivières. Jean David, Sieur de La
Course, habitant de Bécancour vend à Jean-Baptiste "une concession de 3
arpents de terre de front dans la seigneurie Dutort avec la profondeur comme ses
voisins.... sans aucune réserve que ce qui est dit cy après savoir que ledit
Lavoye s'oblige d'abattre et nettoyer le nombre de cinq arpents de terre sur la
terre dudit vendeur en la seigneurie de Bécancour en cinq années consécutives
en faisant un arpent chaque année et rendre ledit arpent labourable... et en
outre de payer les cens et rentes au seigneur conformément au contrat de
concession..." Qu'est-il advenu de cette terre, je l'ignore... Que devient
Jean-Baptiste entre 1715 et 1723, je l'ignore aussi.
Je le retrouve en 1723, le 2 juin, dans l'étude du notaire Hodiesne, à
Montréal, où "il s'est volontairement engagé au Sieur François
Demers... pour aller à Michilinakinac et descendre dans la présente année
lorsque les canots descendront ... en montant amener un canot chargé de
marchandises et en descendant amener un canot chargé de pelleterie desquelles
marchandises en montant et desquelles pelleteries en descendant ledit engagé
promet d'avoir soin du mieux qu'il luy sera possible ... moyennant 140 £ pour
ses gages et salaires..." Une partie lui sera payée avant le voyage et
l'autre à son retour en cette ville (Montréal). Dans le livre Pour le Christ
et le Roi, on peut lire un récit de ce type de voyage pour l'année 1727. Les
marchandises qui composaient le bagage en montant étaient principalement les
suivantes: des vêtements comme les capots (sorte de manteau de l'époque), des
haches, couteaux, bagues, fusils, poudre et balles, chaudrons, tabac et
eau-de-vie. Il y avait aussi les vivres (tabac, farine, lard, prunes, pois et
vin), des draps pour couvrir la cargaison. L'attirail pour l'entretien des
canots et les ustensiles de cuisine, en plus des effets personnels des engagés
complétaient le tout. Tous les engagés étaient munis de l'équipement
standard qui leur revenait, soit un braguet (sorte de pantalon), une paire de
mitasses ou jambières, un fusil (obligatoire), une couverte, des couteaux et
d'autres menus articles pour eux. Les départs se faisaient en juin à Lachine,
avec une halte à l'église du Bout-de-l'île (Ste-Anne de Bellevue) pour
obtenir la bénédiction de Ste-Anne et ajuster la cargaison avant la traversée
des premiers rapides. On se rendait à Michilinakinac par la rivière des
Outaouais et le lac Huron, voyage qui durait environ 2 mois. C'était un voyage
difficile et fatiguant, avec ses nombreux portages et les moustiques.
Michilinakinac, une mission fondée en 1671, est devenue par la suite un
important poste de traite car situé à la pointe nord du lac des Illinois
(Michigan), c'est la plaque tournante du commerce de la fourrure pour toutes les
nations amérindiennes du sud de la Nouvelle-France. Les voyageurs revenaient à
l'automne avec leur canot rempli de fourrure. En 1724, le prix du castor variait
de 1 à 4 £, selon que c'était un castor gras d'été, gras, sec d'été ou
sec ( castor sec: frais tué de l'année, castor gras, porté pendant 2 à 3 ans
par les Amérindiens afin de huiler et lisser la peau, ce dernier était le plus
recherché par les Européens); le prix de l'orignal et du chevreuil, de 8 à 16
£; la martre et la loutre, de 1 à 4 £; le loup-cervier, de 8 à 16 £. Les
cargaisons étaient composées principalement de castor.
En 1724, le 5 novembre, Jean-Baptiste Lavoye achète de Charles Alavoine et sa
femme Marie Anne de LaCiseraye, chez le notaire Guillaume Barrette, une terre de
3 arpents de front sur soixante de profondeur à la Côte St-Jacques, à La
Prairie de la Madeleine. Quelques années plus tard, soit le 24 mars 1727,
toujours chez le notaire Barrette, Jean-Baptiste passe un bail d'un banc (dans
le jubé des marguilliers) dans l'église de La Prairie de la Madeleine pour la
somme de 15 £ par année. En 1739, la population de La Prairie de La Madeleine,
avec St-Lambert et Sault Ste-Marie est de 1,290 personnes.
Le 12 septembre 1727, Jean-Baptiste Lavoye passe un contrat de mariage chez le
notaire Adhémar dit St-Martin. Jean-Baptiste accorde le douaire coutumier de la
somme de 400 £ à sa future épouse, de plus, il spécifie que la terre qu'il
possède à la Côte St-Jacques appartient au couple, comme s'il l'avait acquise
à l'intérieur dudit mariage, les deux futurs époux se font aussi une donation
mutuelle qui sera nulle si, au moment du décès d'un des conjoints, le couple a
un enfant. C'est donc le 16 septembre 1727, dans la paroisse St-Laurent, sur
l'Ile de Montréal, que Jean-Baptiste Lavoye, âgé de 29 ans, épouse
Marie-Catherine Aubry, âgée de 16 ans, fille de François Aubry dit Thècle et
Jeanne Bouteillé en présence de Jean LeMeilleur, oncle de l'époux et de
Jacques LeMeilleur, son cousin; ainsi que François Aubry, le père de la
mariée et Thomas Letendre, son oncle. Le jeune couple s'établit à La Prairie
de la Madeleine jusqu'après 1744, mais quitte la région avant 1751.
Car le 14 décembre 1751, devant le notaire Danré de Blanzé, Jean-Baptiste
Lavoye, habitant demeurant en la Côte des Vertus reconnaît une obligation au
Séminaire de St-Sulpice de Montréal d'une somme de 513 £ 17 sols et 6
deniers, dont, entre autre, 100 £ pour les droits concernant l'acquisition
d'une terre de 3 arpents de front sur 20 de profondeur, sise en la Côte
St-Laurent, qu'il avait acheté de Charles Dugas.
En 1721, Vaudreuil délimite comme suit la paroisse de St-Laurent, sur l'Ile de
Montréal: " les côtes de St-Michel, St-Laurent et la moitié des 2 rangs
de la Côte de Notre-Dame-des-Vertus, et la côte de Notre-Dame-de-Liesse".
La population de la paroisse St-Laurent en 1765 sera de 795 personnes réparties
dans 156 familles.
A cette époque de sa vie, Jean-Baptiste Lavoye assiste à quelques mariages,
faisant fonction de témoin: le 30 octobre 1747, à St-Laurent, au mariage
d'André Giroux et sa belle-soeur, Marie-Angélique Aubry, et le 13 octobre
1749, il est présent au mariage de son beau-frère, François Aubry, avec
Cécile Groux.
Malheureusement, Marie-Catherine Aubry, épouse de Jean-Baptiste, meurt à 47
ans, le 14 octobre 1756, elle aura sa sépulture le lendemain, à St-Laurent, en
présence de son époux; Jean-Baptiste Latour et Charles Dubois serviront de
témoins. L'inventaire des biens aura lieu le 4 décembre 1758 devant le notaire
Hodiesne.
Ce dernier document est riche de plusieurs informations, en voici donc quelques
unes. Jean-Baptiste et Marie-Catherine possédaient, entre autres choses: une
petite marmitte garnie de son couvercle, estimée à 6 £; une moyenne poële à
frire, aussi estimée à 6 £; un seau neuf ferré, prisé 10 £; et un vieux
seau avec la ferrure, estimé 3 £; une vieille hache de bois de pin estimée 6
£; 8 chaises empaillées estimées ensemble 11 £; 1 vieux buffet de bois de
merisier, estimé 8 £; un petit miroir de toilette, prisé 5 £; une vieille
table de bois de pin, estimé 30 sols; un fer à flasquer estimé 2 £; une
paire de trait de vache prisé 4 £; un vieux collier de cheval prisé 3 £; un
minot de sel estimé 45 £; un rouet à laine prisé 2 £; une enclume à battre
des faulx estimée 4 £; une charrue et tout son gréement estimé ensemble 60
£; une petite charrette garnie de longues bâches estimée 60 £; 500 bottes de
foin, 100 minots d'avoine et 29 minots de pois; les bestiaux: deux chevaux, avec
leur harnais complet, 5 brebis ou moutons, un veau du printemps dernier, une
vache à poil brun et une autre à poil noir, une jeune pouliche, deux boeufs de
deux ans, 2 boeufs de 5 ans, une truie maigre et 6 cochons nourrisseaux, ainsi
que 17 poules.
Une terre de 3 arpents de front sur 20 de profondeur située en la paroisse
St-Laurent sur laquelle il y a 33 arpents de terre défrichée et des bâtiments
consistant en: une maison de 16 pieds de long et trente de large de pièces sur
pièces non latté, couverte de paille, ayant plancher haut et bas, avec portes
et chassis garnis de ferrure, une cheminée de pierre et des contrevents à
coulisse; une grange de 40 pieds de long sur 23 pieds de large de poteaux de
cèdres cannelés couverte de paille, une étable en pieux debout de 20 pieds de
long sur 14 de large couverte de paille, une écurie de 10 pieds en carrés de
poteaux de cèdres aussi couverte de paille et un petit poulailler d'environ 6
pieds en carré.
Je vous fais grâce du reste car il y a 6 pages de texte dans cet inventaire.
Mais, déjà, tout ceci nous permet d'imaginer l'environnement de Jean-Baptiste
ainsi que la valeur des objets à son époque. On y apprend aussi que le veuf a
déclaré avoir payé la somme de 33 £ pour frais funéraires de son épouse.
Jean-Baptiste Lavoye épouse, en seconde noce, le 15 septembre 1760, à
St-Laurent, Marie-Thérèse Couvret, veuve de Pierre Ménard, qui deviendra la
belle-mère de son fils aussi nommé Jean-Baptiste, lorsque ce dernier épousera
Marie-Joseph Ménard en 1762. Le contrat de mariage se fait devant le notaire
Hodiesne, le 13 septembre de la même année. Cette deuxième union ne laisse
aucune descendance. Jean-Baptiste Lavoie décède le 22 septembre 1785 et on
trouve sa sépulture en date du 24 septembre suivant à St-Martin, Ile Jésus (aujourd'hui
Laval). On le dit âgé de 87 ans.
Mais je tenais à vous en parler car c'est par lui et son fils Louis que le
patronyme de Lavoie s'est répandu dans la région de Montréal et Laval.
QUE SONT DEVENUS SES ENFANTS: Jean-Baptiste Lavoye et Marie-Catherine Aubry ont
probablement vécu de grandes douleurs avec leurs enfants, car sur 21 enfants,
13 sont décédés dans leur première année:
Jacques, né le 1 septembre 1732, meurt le 31 décembre 1732. Marie-Marguerite
naît le 17 janvier 1736 pour mourir le 12 août suivant. Joseph, né le 21 mars
1737, meurt le 25 mai de la même année. Un autre fils nommé aussi Joseph né
le 26 juillet 1739 décède le 14 novembre suivant. André naît le 24 août
1741 et meurt le 8 septembre suivant. Une autre fille nommée Marie-Marguerite,
née le 27 février 1743, meurt le 20 juillet suivant. Marie-Madeleine, née le
30 avril 1744 décède le 15 août de la même année. Marie-Thérèse, née le
29 mai 1745, décède le 17 juin de la même année (on la retrouve sous le
prénom de Françoise lors de son décès). Tous ces enfants sont nés à La
Prairie.
Les suivants naîtront à Saint-Laurent, mais ne connaîtront pas un meilleur
sort: Marie-Josephe, née le 6 janvier 1748, décède quelques jours plus tard,
soit le 18 janvier suivant. Le 1 mars 1749, Pierre vient au monde pour mourir le
6 juin suivant. Un second Pierre naîtra le 20 janvier 1751 et décède le 11
février suivant. On enterre Marie-Josephe le 24 août 1753, elle était née le
premier du même mois. Augustin, né le 6 septembre 1756, meurt moins d'un mois
avant sa mère, soit le 20 septembre de la même année.
Marie-Catherine, née le 14 janvier 1729 à LaPrairie, épouse François
Berthelet Savoyard, fils de Antoine et Jeanne Chartier, le 7 juillet 1750 à
St-Laurent.
Jean-Baptiste, né le 29 mai 1730, à LaPrairie, épouse Marie-Joseph Ménard
Pathenais, fille de Charles et Thérèse Couvret, le 10 octobre 1762, à
St-Laurent.
Marie-Josephe, née le 13 novembre 1733 à LaPrairie, meurt à 14 ans, le 6
décembre 1747 à St-Laurent.
René, né le 1 janvier 1735, à LaPrairie, épouse Madeleine Dubeau, fille de
Jacques et Céleste Verdon, le 19 février 1759, à St-Laurent; puis, au même
endroit, en seconde noce, le 3 novembre 1772, Marguerite Martin Beaulieu
Montpellier, fille de feu Jean-Baptiste et Marianne Turcot.
élizabeth, née le 1 mai 1738 à LaPrairie, épouse Pierre Baillard, le 9
février 1767, à St-Laurent; elle décède le 9 novembre 1774. On la connaît
aussi sous le prénom de Barbe.
Charles, né le 9 juillet 1740 à LaPrairie; il épouse Marguerite Barret le 7
février 1774 à St-Vincent de Paul; en deuxième noce, il épouse Marie
Geneviève Rose Gravel le 20 octobre 1783 aussi à St-Vincent de Paul.
François, né le 30 septembre 1746 à LaPrairie; aucune autre information.
Marie-Françoise, née le 9 février 1750 à St-Laurent, épouse Joseph Nadeau
le 28 janvier 1788 à Montréal.
Louis, né le 4 juin 1752, à St-Laurent, épouse Marie Montreuil, fille de Jean
et Marguerite Poirier, le 12 février 1776 à St-Martin, Ile Jésus (Laval).
© Micheline Lavoie Dussault, 2000